Le coronavirus : les églises doivent-elles se conformer aux instructions du gouvernement ?
Dr Peter Masters
Extrait d’une courte exhortation donnée lors d’une réunion de prière.
Après toutes ces semaines, ces commentaires peuvent sembler tardifs. Toutefois c’est maintenant que des doutes surgissent et que diverses voix se font entendre dans le monde chrétien pour remettre en question le respect quasi universel que les églises doivent accorder aux lois gouvernementales.
Les restrictions actuelles affectent profondément notre culte au Seigneur, nos églises, nos écoles du dimanche et notre évangélisation. Nul ne s’en réjouit et nul n’en veut. Un périodique évangélique britannique a récemment posé la question suivante : « Devrions-nous avoir un débat à ce sujet ? Faisons-nous ce qu’il faut ? Les églises doivent-elles se soumettre si facilement à l’État, le royaume de ce monde ? » L’article ne répondait pas vraiment à la question, mais aurait pu facilement le faire si l’auteur s’était référé à la Confession de foi de Westminster ou à la Confession de foi baptiste pour obtenir des directives sur ce que disent les Écritures. La réponse s’y trouve dans des mots d’une simplicité désarmante et soigneusement articulés.
L’erreur de l’auteur de l’article en question a été de simplifier à l’excès la question des deux royaumes qui s’opposent : le royaume de Dieu et le royaume du monde. Il semblait penser que, vraisemblablement, l’Église ne devrait pas changer son programme d’activités pour se conformer aux injonctions du monde. Le monde ne peut sous aucun prétexte être placé au-dessus de la seigneurie du Christ dans Son église.
Le lecteur a peut-être pris connaissance d’une église très connue en Californie dont le raisonnement est allé dans le même sens et qui, en dépit du confinement, a repris ses réunions sans masque ni distanciation sociale. Le pasteur de ladite église était du même avis : N’y a-t-il pas deux gouvernements, le monde et l’église, et ne devrions-nous pas affirmer notre obéissance à l’autorité de Christ, en refusant que nos cultes hebdomadaires soient interrompus par le décret d’une autorité terrestre ?
Permettez-moi premièrement de lire une phrase ou deux tirées des Confessions de foi.
« Dieu, le suprême Seigneur et Roi de tout le monde, a établi sous son autorité des magistrats civils [ce qui englobe les gouvernements, les rois et ainsi de suite] ayant autorité sur les citoyens, pour sa propre gloire et pour le bien public… Puisque les magistrats sont établis par Dieu, nous devons leur être soumis dans le Seigneur, non seulement par crainte de la colère, mais par motif de conscience ; nous devons faire des supplications et des prières pour les rois et pour tous ceux qui occupent des positions d’autorité ».
Les deux textes-preuves de la validité de ces paroles tirées de la Confession sont Romains 13:1-7 et 1 Pierre 2:13-18, pour ne citer que ces deux-là. Dieu a établi l’autorité et l’ordre civil pour que tous leur obéissent, y compris Son peuple. Il a mis dans le cœur des hommes, même dans leur état de déchéance spirituelle, le désir qu’il y ait une autorité et de l’ordre. Il donne ainsi un certain pouvoir aux autorités civiles. Pour les questions relatives au bien-être du corps, à la loi et à l’ordre, à la défense et au bien public, y compris la santé publique, Dieu dirige Son peuple racheté ainsi que le reste du monde par le biais du gouvernement civil. Ce dernier est un agent de la suprématie de Dieu. C’est donc une simplification excessive que de dire : « Il n’y a que l’Église et le monde ». Penser cela revient à ignorer ces deux grands textes.
Il y a de nombreuses années, j’ai connu un homme d’affaires riche qui, bien que chrétien, était plutôt fier de ne pas payer tous les impôts qu’il devait. Il me fit part qu’il avait sous-évalué ses stocks pour que ses comptables puissent réduire ses impôts, tout en reconnaissant que cela était illégal. Naturellement, je l’ai contredit, mais il argua qu’il se sentait libre de le faire « car les impôts relèvent de César et non de Dieu ». Il s’était convaincu que les chrétiens ne sont pas sous l’autorité de l’État, mais sous celle de Christ. Voilà un cas extrême, mais le point est clair : pour les questions d’ordre public, de bien public et de santé publique, « Que toute personne », dit Paul dans Romains 13, est soumise à l’autorité de César.
Dans la Bible assurément, il y a l’image de deux royaumes, nous y croyons et nous défendons cette position. Le Christ dirige directement Son église en matière de foi, de contenu du culte, d’éthique, de discipline et de doctrines. Mais ce n’est pas tout, car les Écritures nous enseignent également que Dieu dirige les affaires civiles par l’intermédiaire des autorités civiles, et que les chrétiens sont sous leur autorité.
La « Question 109 » bien connue (dans Christian Ecclesiastics, 1665) du Puritain Richard Baxter a récemment été réimprimée par divers périodiques et représente la position chrétienne traditionnelle. « Pouvons-nous ne pas nous assembler le dimanche, si le magistrat l’interdit ? » En gros, les réponses sont les suivantes : « Si le magistrat interdit les rassemblements cultuels pour un bien supérieur dans des temps de pestilence, d’attaques ennemies, ou de feu, ou de nécessités semblables, alors c’est un devoir de lui obéir ». D’autre part : « Si les princes interdisent de manière profane les réunions saintes et le culte public ... en tant que renoncement au Christ et à notre religion, il n’est pas légal de leur obéir formellement ».
La suspension des rassemblements publics par le souverain doit être équitable, s’appliquer de la même manière à toute la société et ne pas isoler les églises, et elle doit être limitée dans le temps, sinon nous pourrions avoir le sentiment qu’elle restreint la foi et persécute l’église. Nous devrions alors prendre position. Cela a toujours été la position de la plupart des protestants.
En Angleterre, nous sommes actuellement revenus au culte en personne (depuis le 5 juillet), mais nous sommes limités car nous ne pouvons pas chanter, nous portons des masques et nous devons maintenir une distance sociale, mais ces règles s’appliquent à l’ensemble de la société. En fait, nous avons repris les cultes d’adoration bien avant que le rassemblement ne soit autorisé à certains autres. Je crois que ce n’est qu’au dernier week-end du mois d’Août que pour la première fois une foule, limitée à 2500 personnes, était autorisée à assister à un match de football. Pourtant, le gouvernement tire de ces regroupements un revenu considérable, et on pourrait penser qu’il s’efforce de soutenir le sport national au détriment des églises.
D’autres intérêts ont également été plus touchés que les églises. Le gouvernement a récemment fait savoir que si la reprise des classes entraînait un « pic » dans la Covid-19, les pubs et les bars devraient fermer à nouveau pour rééquilibrer la lutte contre le virus. Il n’a pas été mentionné (à ce stade) que les églises seraient également fermées. Il n’y a donc à ce jour aucune action injuste visant directement les églises et la proclamation de l’Évangile.
Il se peut que les frères de Californie auxquels nous avons fait référence aient souffert de quelque profonde inégalité ou injustice dans la façon dont le confinement a été mis en place et que, de ce fait, ils aient eu raison de protester (premièrement par l’action en justice). Mais ce ne serait pas un argument valable de dire, comme on semble le faire, que ces restrictions relèvent de la loi de César et n’ont aucune autorité sur l’église. La déclaration de cette église affirme explicitement que « c’est le Christ, et non César, qui est le chef de l’église ». Cela met de côté la vision historique de la question, et ressemble plus à un sentiment anabaptiste.
En tant que chrétiens nous sommes soumis aux limitations de vitesse, aux permis de construire, et même aux confinements d’urgence tout comme le reste de la société. Nous remercions Dieu de ce qu’il existe des moyens alternatifs de proclamer la Parole et d’exercer un ministère auprès des personnes sur le court terme.
Si les restrictions concernant le coronavirus devenaient déraisonnables, sans limites ou injustes, il serait alors opportun de protester. Dans l’état actuel des choses, les églises ne veulent pas se comporter comme une communauté « gâtée ». Nous ne sommes pas en état de guerre, comme pendant la Seconde Guerre mondiale, où tous les hommes de moins de 41 ans étaient appelés et envoyés loin de chez eux pendant cinq ans. Nous ne sommes pas obligés de tous nous cloîtrer secrètement dans des catacombes, comme les croyants d’autrefois, pour pratiquer notre culte. Ce que nous sommes appelés à faire, comme tout le monde, est tenable, et nous pouvons faire avec sans cesser de travailler, de louer et de rendre grâces à Dieu.
Romains 13:1 dit : « Que toute personne soit soumise aux autorités supérieures… ». Il a été suggéré que c’est un devoir des individus, et pas nécessairement des églises, mais c’est une distinction impossible. « Que toute personne », dit le verset, s’applique à tous sans exception, qu’ils soient sauvés ou non. Concernant l’État, Paul déclare : « Car il n’y a point d’autorité qui ne vienne de Dieu ». Nous nous souvenons qu’à l’époque de Paul, les dirigeants étaient des idolâtres, des despotes et des tyrans comme Néron. Pourtant, il affirme que « celui qui s’oppose à l’autorité résiste à l’ordre que Dieu a établi ». C’est très grave, et nous y réfléchissons à deux, voire plusieurs fois, avant de lever le bouclier contre l’État. Paul poursuit en disant : « et ceux qui résistent attireront une condamnation sur eux-mêmes ». Le grec sous-entend jugement, discipline ou châtiment (de la part du Seigneur).
Un peu plus loin, nous lisons (au verset 5) : « Il est donc nécessaire d’être soumis, non seulement par crainte de la punition [par crainte du châtiment civil], mais encore par motif de conscience ». Nos consciences devraient être si sensibles que nous réalisons que nous désobéissons à Dieu si nous désobéissons à l’État.
Il y a des exceptions données dans les Écritures. Si les autorités publiques essaient d’arrêter complètement la proclamation de la Parole, alors nous devons obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes. Si elles essaient de changer nos doctrines et nous disent que nous devons enseigner le mariage homosexuel, ou la théorie de l’évolution aux enfants, nous devons obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes. Si elles interfèrent avec les normes morales ou les doctrines de la Parole ou la proclamation de l’Évangile, nous devons obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes. Dans les chapitres 4 et 5 du livre des Actes, nous voyons les apôtres prendre une position très claire sur ces questions.
1 Pierre 2:13 déclare : « Soyez soumis, à cause du Seigneur, à toute autorité établie parmi les hommes, soit au roi comme souverain ». Et Pierre écrit (v 15) : « Car c’est la volonté de Dieu qu’en pratiquant le bien vous réduisiez au silence les hommes ignorants et insensés ». Les gens qui sont hors de l’église sont prêts à bondir sur une église qui ne respecte pas les restrictions. « Regardez ces égoïstes », diront-ils, « ils ne se soucient pas du nombre de personnes infectées ou de celles qui risquent de mourir ». Le Seigneur déclare que nous ne devons pas donner cette excuse aux incroyants. Nous nous soumettons. « Honorez tout le monde… craignez Dieu ; honorez le roi ».
Calvin l’exprime si bien dans son commentaire de 1 Timothée 2:1-2 :
« Il [Paul] fait une expresse mention des rois et de tous les autres magistrats, d’autant que par-dessus tous les autres ils pouvaient être odieux aux chrétiens. Car autant de magistrat il y avait en ce temps-là, quasi autant ils étaient d’ennemis mortels de Christ. On pouvait donc penser qu’il ne fallait point prier pour de telles gens qui employaient toute leurs forces et leurs richesses à combattre le règne de Christ, dont l’étendue doit être désirée par-dessus toutes choses. Or l’apôtre vient au-devant de ce danger, et commande expressément aux chrétiens de prier pour ceux-là aussi. Et certes la perversité et la malice des hommes ne feront pas que l’ordonnance de Dieu ne doive être aimée. Dès lors, puisque Dieu a créé les princes et les magistrats pour la conservation du genre humain, quoique plusieurs d’entre eux ne suivent point l’ordonnance de Dieu, toutefois nous ne devons pas laisser pour cela d’aimer ce qui est de Dieu, ni de désirer que cela demeure en son entier. C’est la cause pour laquelle les fidèles, en quelque contrée qu’ils soient, doivent non seulement obéir aux lois et au gouvernement des magistrats, mais aussi recommander à Dieu le salut de ceux-ci dans leurs prières ».