Le salut des tout-petits
C H Spurgeon
La tendresse et la puissance rédemptrice de Dieu
« L’homme de Dieu, l’ayant aperçue de loin, dit à Guéhazi, son serviteur : Voici cette Sunamite ! Maintenant, cours donc à sa rencontre, et dis-lui : Te portes-tu bien ? Ton mari et ton enfant se portent-ils bien ? Elle répondit : Bien » (2 Rois 4:26).
Guéhazi s’adressa à la Sunamite pour savoir si tout allait bien pour elle. Bien qu’accablée de détresse à cause de la perte de son enfant, elle répondit : « Tout va bien ». Elle estimait que cette épreuve serait sûrement source de bénédiction.
Il l’interrogea à nouveau : « Ton mari se porte-il bien ? » Ce dernier était âgé et atteint par les années et prêt à mourir, mais « elle répondit : Bien ». Puis, il posa la question suivante à propos de l’enfant qui venait de mourir à la maison : « Ton enfant se porte-il bien ? » Cette question aurait sûrement dû raviver son chagrin. Mais elle répondit calmement : « Bien », peut-être parce qu’elle avait foi que son enfant lui serait bientôt rendu, ou plutôt parce qu’elle était persuadée que quoi qu’il advienne de l’esprit de son fils, il était en sécurité sous la garde de Dieu, heureux à l’ombre de Ses ailes. C’est pourquoi, ne craignant pas qu’il fût perdu et qu’il ait été jeté loin de la félicité divine, elle dit : « Oui, l’enfant est mort, mais tout va bien ».
Que chaque mère et chaque père sache avec certitude que tout va bien pour leur bébé, si Dieu l’a enlevé dans ses premiers jours. Vous n’avez jamais entendu sa confession de foi, il n’en était pas capable. Il n’a pas été baptisé au nom du Seigneur Jésus-Christ. Il n’était pas capable de témoigner de cet « engagement d’une bonne conscience envers Dieu ». Néanmoins, vous pouvez être assurés que tout va bien pour l’enfant, dans un sens plus élevé et meilleur que vous ne l’êtes. Le bébé est « bienheureux » sans limitation, sans exception, infiniment et éternellement.
Peut-être me direz-vous : « Quelle raison avons-nous de croire que tout va bien pour l’enfant ? » Avant d’examiner ce sujet, je voudrais faire une observation. On a dit des calvinistes que nous sommes, et cela de façon méchante et calomnieuse, que nous croyons en la perdition des bébés qui meurent. Ceux qui portent une telle accusation savent bien qu’elle est dénuée de tout fondement. Je n’ose même pas espérer, même si je le souhaite, qu’ils nous dénigrent par ignorance. Ils répètent méchamment ce qui a été nié mille fois, et qu’ils savent parfaitement faux.
Dans ses conseils à John Knox, Calvin interprète ainsi le deuxième commandement : « Je fais miséricorde envers des milliers de ceux qui m’aiment », comme se référant à des milliers de générations. Il semble donc enseigner que les nourrissons mourants, qui ont eu des ancêtres croyants, aussi éloignés soient-ils, sont sauvés. Cela englobe certainement toute la lignée.
Quant aux calvinistes modernes, nous espérons et croyons tous, sans exception, que Dieu a élu toutes les personnes qu’Il a décidé de prendre en bas âge. Le Dr Gill, qui a été considéré à une époque récente comme une référence du calvinisme, pour ne pas dire de l’ultra-calvinisme, n’a jamais laissé entendre qu’un bébé puisse périr. Il affirme qu’il s’agit d’un sujet sombre et mystérieux, mais déclare que c’est sa conviction – sur la base des Écritures, affirme-t-il – que ceux qui se sont endormis dans la petite enfance n’ont pas péri, mais ont été comptés parmi les élus de Dieu, et sont donc entrés dans le repos éternel.
Nous n’avons jamais enseigné le contraire, et lorsque que cette accusation est portée, je la rejette et je dis : « Vous l’avez peut-être dit, mais nous ne l’avons jamais fait, et vous savez pertinemment que nous ne l’avons jamais fait ». Nous n’avons jamais rêvé d’une telle chose. À de très rares exceptions près, si rares que je n’en ai jamais ouïe dire, si ce n’est par la bouche de calomniateurs, nous n’avons jamais imaginé que des nourrissons mourant puissent périr, mais nous croyons qu’ils entrent dans le paradis de Dieu.
Premièrement, je m’efforcerai d’expliquer la manière dont nous croyons que les bébés sont sauvés. Ensuite, j’expliquerai les raisons qui nous poussent à croire cela et enfin, je chercherai à faire ressortir une utilisation pratique du sujet.
Premièrement : la manière dont nous croyons que les bébés sont sauvés.
Certains fondent l’idée de la bénédiction éternelle du bébé sur son innocence. Nous ne croyons rien de tel. Nous croyons que tous les enfants sont pécheurs suite à la chute d’Adam, et étant en Adam, « ... tous meurent ». Toute la postérité d’Adam, qu’elle soit infantile ou adulte, était représentée par lui. Puisqu’il était leur représentant à tous, lorsqu’il a chuté, tous tombèrent avec lui.
Il n’y a pas d’exception dans l’alliance des œuvres faites avec Adam, quant à la mort des nourrissons. Par conséquent, comme ils étaient inclus en Adam, bien qu’ils n’aient pas péché par une transgression semblable à celle d’Adam, ils ont une culpabilité originelle. Ils sont « nés dans l’iniquité et leurs mères les ont conçus dans le péché ».
Si les nourrissons sont sauvés, ce n’est pas à cause d’une innocence naturelle quelconque. Ils doivent entrer au Ciel dans les mêmes termes que nous. Ils doivent être reçus au nom du Christ : « Car personne ne peut poser un autre fondement que celui qui a été posé, savoir Jésus-Christ ». Le fondement posé pour les adultes ne diffère pas de celui des nourrissons.
De même, loin de nous l’idée de croire que les bébés entrent au ciel par le baptême. Lorsque l’on enseigne aux enfants que par leur baptême, ils deviennent des enfants de Dieu et héritiers du royaume des cieux. C’est un mensonge ignoble tel qu’il n’en a jamais été forgé en enfer ou encore prononcé sous la voûte céleste. Notre esprit s’enfonce de tristesse devant les erreurs effrayantes qui se sont glissées dans l’église, par la seule petite porte de l’aspersion infantile.
Non, les enfants ne sont pas sauvés parce qu’ils sont baptisés. L’enfant est sauvé, s’il est arraché par la mort, selon les mêmes termes que tout un chacun de nous.
Sur quoi fondons-nous notre croyance que le bébé est sauvé ? Nous pensons qu’il est aussi perdu que le reste de l’humanité et qu’il est aussi condamné par la parole qui dit : « car le jour où tu en mangeras, tu mourras ». Il est sauvé parce qu’il est élu. Dans le livre de l’Agneau et selon l’étendue de l’élection divine, nous croyons que des millions d’âmes qui y sont déjà inscrites, qui à peine arrivées sur terre, en repartent aussitôt, déployant leurs « ailes » vers le Ciel.
Ils sont sauvés aussi, parce qu’ils ont été rachetés par le sang précieux de Jésus-Christ. Celui qui a versé Son sang pour tout Son peuple, a racheté ceux qui sont morts en bas âge au même prix qu’Il a racheté leurs parents, et donc ils sont sauvés parce que le Christ a été leur représentant et a souffert à leur place. Ils sont aussi sauvés par la régénération, car : « si un homme » - le texte ne veut pas seulement dire un homme adulte mais désigne le fait d’appartenir à la race humaine - « si un homme ne naît de nouveau, il ne peut voir le royaume de Dieu ». Il n’y a aucun doute quant au fait que, d’une manière quelque peu mystérieuse, l’Esprit de Dieu régénère l’âme du nourrisson, de sorte qu’il entre dans la gloire étant ainsi rendu capable de participer à l’héritage des saints dans la lumière.
Les Écritures prouvent qu’une telle régénération est possible. Jean-Baptiste a été rempli du Saint-Esprit dès le sein de sa mère. Nous croyons donc qu’avant même que l’intellect ne puisse agir, Dieu, par le mystérieux effet de son Esprit Saint, peut transformer l’âme infantile en une nouvelle créature en Jésus-Christ, lui permettant d’entrer dans le repos réservé au peuple de Dieu.
C’est donc par l’élection, la rédemption et la régénération que l’enfant entre dans la gloire. Si nous n’admettons pas que les nourrissons mourants en bas âge sont sauvés de la même manière que les adultes, il revient à supposer que la justice de Dieu peut être contrecarrée, et que Son plan de salut peut être modifié en fonction de leur cas.
Deuxièmement, les raisons qui nous poussent à croire que les nourrissons sont sauvés. Nous fondons notre conviction au sujet du salut des bébés sur la bonté de la nature de Dieu. Nous disons que la doctrine inverse, selon laquelle certains nourrissons périssent et sont perdus à jamais, est tout à fait répugnante à l’idée que nous nous faisons de Celui qui s’appelle Amour. Si nous avions un dieu qui s’appelait Moloch, si Dieu était un tyran arbitraire, sans bienveillance ni grâce, nous pourrions imaginer que certains nourrissons soient jetés en enfer. Mais notre Dieu, qui entend les croassements des petits corbeaux, ne trouvera certainement aucun plaisir aux cris et aux pleurs des nourrissons rejetés loin de Sa présence.
Nous lisons de Dieu qu’Il est si tendre qu’Il ne supporte pas que le bœuf soit muselé lorsqu’il foule le grain. Il prend soin de l’oiseau dans son nid et Il ne voudrait pas que l’oiseau-mère soit tué alors qu’elle est couchée sur ses petits. Il a donné des ordonnances et des commandements même pour protéger les créatures irrationnelles.
Devons-nous croire qu’avec une telle bonté aussi universelle que la sienne, Il rejetterait l’âme des bébés ? Je dis que cela serait si contraire à tout ce que nous avons lu ou cru de Lui, que notre foi chancellerait face à une telle révélation exposant un fait aussi contradictoire à la teneur de Ses autres œuvres.
Nous avons appris à soumettre humblement nos jugements à Sa volonté et nous n’oserions jamais critiquer ou accuser le Seigneur, Maître de tous et toutes. Il est juste, qu’Il fasse ce que bon Lui semble ! Quoi que ce soit qu’Il révèle, nous l’accepterons ! Mais jamais auparavant, et je pense que jamais dans le futur, Il nous exigera de distendre notre foi de telle manière à concevoir de la bonté dans la misère éternelle d’un bébé jeté en enfer.
Souvenez-vous du temps où Jonas, cet homme pétulant et colérique, souhaita la destruction de Ninive. Dieu lui donna comme raison pour ne pas anéantir Ninive, qu’il s’y trouvait plus de cent vingt mille enfants en bas âge, qui ne savent pas distinguer leur droite de leur gauche. S’il a épargné Ninive pour que leur vie mortelle soit épargnée, pensons-nous que leurs âmes immortelles seront inutilement rejetées ?
Une fois encore, nous pensons que le bannissement éternel de ceux qui meurent en bas âge est totalement incompatible avec ce que nous connaissons du caractère de notre Seigneur Jésus-Christ. Lorsque Ses disciples repoussèrent les petits enfants que Lui apportèrent les mères angoissées, Jésus leur dit : « Laissez les petits enfants, et ne les empêchez pas de venir à moi ; car le royaume des cieux est pour ceux qui leur ressemblent ». Il enseigna par-là, comme le dit très bien John Newton, que ces enfants constituent une très grande partie du royaume des cieux.
Si l’on considère que, selon les meilleures statistiques, plus d’un tiers de la race humaine meurt en bas âge, et probablement la moitié de la population mondiale, si l’on prend en compte les régions où l’infanticide prévaut, les paroles du Sauveur prennent toute leur force : « car le royaume des cieux est pour ceux qui leur ressemblent ».
Si certains me rappellent que le royaume des Cieux signifie la dispensation de la grâce sur terre, je réponds que oui, c’est le cas, et que cela signifie la même dispensation dans les Cieux. Les paroles de notre Seigneur prouvent que les enfants constituent une grande partie de Sa famille, et qu’Il a un amour et une amabilité envers les tout-petits.
Lorsqu’ils criaient dans le temple : « Hosanna au Fils de David ! », les réprimanda-t-il ? Au contraire Il se réjouit de leurs acclamations. Et déclara alors : « Tu as tiré des louanges de la bouche des enfants et de ceux qui sont à la mamelle ». Ce texte ne semble-t-il pas dire que dans le Ciel il y aura une louange parfaite rendue à Dieu par des multitudes qui se sont trouvées ici sur la terre : vos tout-petits qui ont soudainement été ravis au Ciel ?
Je ne peux absolument pas croire qu’il soit possible de la part de Jésus de dire aux petits enfants : « Retirez-vous de moi, maudits ; allez dans le feu éternel ». Je ne peux concevoir qu’il soit possible pour Lui si aimant et tendre que, quand Il s’assiéra sur son trône pour juger toutes les nations, Il puisse placer un de ces petits à Sa gauche et le bannisse pour toujours de Sa présence.
Pourrait-il s’adresser à eux et leur dire : « Car j’ai eu faim, et vous ne m’avez pas donné à manger ; j’ai eu soif, et vous ne m’avez pas donné à boire… j’étais malade, et vous ne m’avez pas visité ; j’étais en prison, et vous n’êtes pas venus vers moi » ? Comment auraient-ils pu le traiter ainsi ? Et si la raison principale pour la damnation repose sur des péchés d’omission comme ceux-ci, qu’il ne leur était pas possible de commettre, faute de leur incapacité d’accomplir un tel devoir, comment, donc, les condamnerait-il et les chasserait-il loin de Lui ?
Plus encore, nous pensons que les voies de la grâce, si nous les considérons, rendent hautement improbable (si ce n’est impossible) le fait que les âmes des bébés puissent être perdues. « Que dit l’Écriture ? » Nous savons que Dieu est riche en grâce à partir d’expressions comme celles-ci :
« Les richesses incompréhensibles de Christ»; « Mais Dieu, qui est riche en miséricorde » ; « Un Dieu miséricordieux et compatissant » et « l’infinie richesse de sa grâce ».
Toutes ces déclarations sont véritablement applicables sans exagération ou hyperbole. Nous savons que l’Éternel est bon envers tous, et Ses compassions s’étendent sur toutes Ses œuvres. La grâce de Dieu est allée à la recherche des plus grands pécheurs du monde. Elle n’est ni passée à côté, ni laissée le plus vil des pécheurs sur le carreau. Celui qui s’est appelé le premier des pécheurs a été rendu participant de l’amour du Christ.
Il n’y a aucun péché ou blasphème que Dieu ne peut pardonner. Il peut sauver parfaitement ceux qui s’approchent de Lui par Christ. Semble-t-il cohérent avec une telle grâce de passer par-dessus des myriades de tout-petits portant l’image de l’Adam terrestre, de sorte qu’ils ne pourront jamais recevoir l’image du céleste ? Je ne peux pas concevoir une telle chose.
Celui qui a goûté, senti et pratiqué la grâce de Dieu, je le pense, ne peut se soustraire instinctivement à toute autre doctrine que celle-ci : les nourrissons qui meurent, comme tels, sont très certainement sauvés.
Une fois encore, l’un des arguments les plus forts que l’on puisse déduire se trouve dans le fait que l’Écriture déclare positivement que le nombre d’âmes sauvées à la fin sera très grand. En Apocalypse nous lisons qu’il est question d’un nombre que personne ne pouvait compter. Le psalmiste parle d’eux comme la rosée du matin. De nombreux passages attribuent à Abraham, en tant que père des fidèles, une postérité aussi nombreuse que les étoiles du ciel et comme le sable qui est sur le bord de la mer.
La valeur de la rédemption précieuse implique qu’une grande armée a été rachetée. Toute l’Écriture semble enseigner que le Ciel ne sera pas un monde étroit, que sa population ne sera pas comme une poignée de raisins ramassée dans une vendange, mais que le Christ sera glorifié par des myriades de myriades et des milliers de milliers de personnes qu’Il a rachetées par Son sang.
Maintenant, d’où proviennent-elles toutes ? La partie de la carte du monde qui pourrait être appelée chrétienne est tellement petite ! Considérez-là ! De cette partie qui pourrait être appelée chrétienne, une minorité seulement porte le nom de croyants authentiques ! Combien si peu d’entre ces personnes peuvent être considérées comme ayant un attachement, même nominal, à l’Église du Christ !
Parmi ceux qui invoquent le nom du Christ, combien sont hypocrites et ne connaissent pas la Vérité ! Je ne vois pas comment un si grand nombre pourrait entrer au Ciel, à moins que l’on ne suppose que les âmes tout juste nées et décédées en constituent la grande majorité.
J’ai cette douce croyance pendant qu’il y aura au ciel plus d’âmes sauvées que de perdues en enfer. Pourquoi ? Afin que Christ soit « en tout le premier ». La pensée d’un grand théologien était que peut-être au bout du compte, le nombre des perdus en enfer ne serait proportionnellement pas plus grand que le nombre des élus au Ciel, de même que le nombre des criminels incarcérés ne l’est par rapport à ceux qui sont libres ici-bas dans un pays de justice. J’espère qu’il en sera ainsi.
Je sais que le Christ règnera partout, et que, suivi par Ses armées en marche, le sombre monarque de l’enfer ne pourra jamais compter autant de disciples dans son triste défilé que le Christ dans Son triomphe glorieux. Et si tel est le cas, nous devons admettre que les enfants sont sauvés. Mais surtout, nous devons les considérer ainsi car nous pensons qu’ils doivent être comptés parmi les bienheureux et qu’ils doivent vivre avec le Christ dans l’au-delà.
Passons maintenant à un ou deux faits accessoires qui se produisent dans les Écritures et qui semblent aussi éclairer un peu le sujet. Nous ne devons pas oublier le cas de David. Son enfant conçu avec Bath-Schéba devait mourir en punition du péché du père. David pria, jeûna et affligea son âme, mais on lui annonça enfin que l’enfant était mort. Il cessa alors de jeûner, et il dit : « J’irai vers lui, mais il ne reviendra pas vers moi ».
Mais où donc David s’attendait-il à aller ? Sûrement au paradis. Alors son enfant devrait y être, car il a dit : « J’irai vers lui. » Je ne l’entends pas dire la même chose d’Absalom. Il ne s’est pas tenu au-dessus de son cadavre en disant : « J’irai vers lui ». Il n’avait le moindre rayon d’espoir de revoir cet autre enfant, ce fils rebelle : « Mon fils Absalom ! mon fils, mon fils Absalom! Que ne suis-je mort à ta place ! » Au contraire, il pouvait laisser partir ce petit enfant né de Bath-Schéba en toute confiance en disant : « J’irai vers lui ».
Il aurait pu affirmer : « Je sais qu’Il a fait avec moi une alliance éternelle, en tous points bien réglée et offrant pleine sécurité, et quand je marche dans la vallée de l’ombre de la mort, je ne crains aucun mal, car Tu es avec moi. J’irai vers mon fils et, dans le Ciel, nous serons de nouveau réunis ».
Vous trouverez encore le passage suivant : « Par la bouche des enfants et de ceux qui sont à la mamelle tu as fondé ta gloire ». La sortie d’Égypte était une sorte de rédemption de la postérité élue et vous savez que, dans ce cas, les tout-petits devaient sortir. Pourquoi donc les enfants au cours de la plus grande des délivrances ne se joindraient-ils pas au chant de Moïse et de l’Agneau ?
En Ézéchiel 16:21 Dieu censure Son peuple parce qu’ils ont livré leurs bébés à Moloch, en les ayant fait passer par le feu, et Il déclare à propos de ces tout-petits : « Tu as tué mes enfants et tu les as livrés afin de les faire passer par le feu ». Ainsi donc, ils étaient les enfants de Dieu quoique encore des bébés.
C’est pourquoi nous pouvons croire, en ce qui concerne ceux qui se sont endormis dans les premiers jours de leur vie, que Jésus dit d’eux : « Ceux-ci sont mes enfants ». Il prendra toujours Ses agneaux et les portera dans Son sein, comme le dit Ésaïe.
Il existe un autre passage dans l’Écriture qui peut être utilisé pour montrer que le péché des parents ne sera pas nécessairement pour la ruine de leurs enfants. Dans le premier chapitre de Deutéronome, on trouve une menace prononcée sur les enfants d’Israël dans le désert, selon laquelle, à l’exception de Caleb et de Josué, ils ne verront pas le bon pays. Il est néanmoins ajouté : « Et vos petits-enfants, dont vous avez dit : Ils deviendront une proie ! et vos fils, qui ne connaissent aujourd’hui ni le bien ni le mal, ce sont eux qui y entreront, c'est à eux que je le donnerai, et ce sont eux qui le posséderont » [Voyez la note finale.]
Dans la mesure où le péché de la génération qui a vécu dans le désert n’a pas empêché la génération suivante d’entrer en Canaan, le péché des parents incrédules ne sera pas nécessairement la ruine de leurs enfants, mais ils seront quand même, par la grâce souveraine de Dieu et Sa miséricorde abondante, rendus participants du repos qu’Il a réservé à Son peuple.
Veuillez noter que je n’ai pas fait de distinction entre les enfants de parents pieux et ceux de parents impies. S’ils meurent en bas âge, peu m’importe qui est leur père ou leur mère, ils sont sauvés. Je n’approuve certainement pas la théorie d’un pasteur presbytérien qui suppose que les enfants de parents pieux auront une meilleure place au Ciel que ceux qui sont issus de parents non-croyants. Je ne crois pas en une telle chose. Tous sans exception, peu importe leurs géniteurs, seront sauvés, nous le croyons, non parce qu’ils auront été baptisés, ni par la foi de leurs parents, mais simplement comme nous, Dieu les a inclus dans Son décret d’élection, par le sang précieux du Christ. Et par l’influence régénératrice du Saint-Esprit, ils atteindront la gloire et l’immortalité, et porteront l’image du céleste comme ils ont porté l’image du terrestre.
J’en viens maintenant à une utilisation pratique de cette doctrine. Premièrement, qu’elle soit une consolation pour les parents endeuillés. Vous dites que vous avez là une croix lourde à porter. Mais avoir une croix vivante est véritablement une tribulation, comme avoir un enfant qui est rebelle dans son enfance, vicieux dans sa jeunesse et débauché dans son âge adulte ! Bien des parents ont été emmenés avec tristesse dans la tombe par le moyen d’enfants vivants, mais jamais par le moyen de bébés morts, et certainement pas s’ils étaient chrétiens et capables de tirer consolation des paroles de l’apôtre, « afin que vous ne vous affligiez pas comme les autres qui n’ont point d’espérance ».
Savez-vous à quels chagrins votre tout-petit a-t-il échappé ? N’en avez-vous pas eu assez vous-même ? Il est né d’une femme, sa vie aurait été sans cesse agitée comme la vôtre. Il a échappé à ces souffrances, le regretteriez-vous ?
Souvenez-vous aussi de vos propres péchés et de la profonde douleur du repentir. Si l’enfant avait vécu, il aurait été pécheur, et il aurait connu l’amertume de la conviction du péché. Il y a échappé et se réjouit maintenant de la gloire de Dieu.
Parents endeuillés, si vous pouviez voir un instant votre propre progéniture de plus haut, je pense que vous essuieriez très vite vos larmes. Vous n’auriez peut-être pas murmuré si vous aviez reçu la promesse que votre enfant allait être élevé à la noblesse, il a été élevé plus haut que cela : à la noblesse céleste. Il a reçu la dignité des immortels. Il est paré de quelque chose de bien supérieur aux vêtements royaux de ce monde. Bien plus riche et béni qu’il n’aurait jamais pu l’être même si toutes les couronnes de la terre avaient pu être posées sur sa tête. Comment pouvez-vous vous plaindre ? Un vieux poète a écrit un vers qui correspond parfaitement bien à l’épitaphe d’un enfant :
Brève fut ma vie, d’autant plus long est mon repos ;
Dieu enlève le plus tôt ceux qu’Il aime le plus,
Celui qui est né aujourd’hui et qui meurt demain,
Perd quelques heures de joie, mais des mois de tristesse.
D’autres maladies viennent souvent nous affliger,
La mort ne frappe qu’une fois et ce coup nous soulage.
Votre enfant a eu ce coup unique et il a été soulagé de toutes ces souffrances. Vous pouvez dire qu’il a été béni au plus haut degré ayant échappé au péché, aux soucis et aux malheurs, et parce qu’il se repose avec le Sauveur. « Heureux sont les bébés », dit Hervey, « qui :
Privilégiés par la foi, un travail plus court et un poids plus léger,
Ont reçu seulement hier le don du souffle,
Auxquels il est ordonné de retourner à la mort demain ».
Un autre, regardant en haut vers les cieux, déclare :
O échange béni, o sort enviable,
Couronné sans un combat,
Étranger à la peine, béni dans les plaisirs
Et sans gloire, renommé.
Il est bien de chanter le cantique de victoire après avoir passé la mer Rouge et toutes ses terreurs, mais le chanter sans avoir passé la mer est aussi glorieux ! Je ne sais pas si je préférerais moi-même avoir le sort d’un enfant dans le Ciel. Je pense qu’il est plus noble d’avoir supporté la tempête, et d’avoir lutté contre la pluie et le vent.
Je pense que ce sera un sujet de félicitations pour l’éternité, pour vous et moi, que nous n’ayons pas trouvé si facilement le chemin du Ciel, car, après tout, cette vie mortelle n’est qu’une simple égratignure en comparaison de la gloire ineffable qui nous attend dans l’au-delà.
Mais je pense que nous pouvons quand même remercier Dieu pour ces petits, pour le fait que nos péchés, nos infirmités et nos douleurs leur ont été épargnés, et pour le fait qu’ils sont entrés dans le repos de Dieu au ciel. Ainsi parle le Seigneur à Rachel, pleurant ses enfants et refusant d’être consolée parce qu’ils n’étaient plus : « Retiens tes pleurs, retiens les larmes de tes yeux ; car il y aura un salaire pour tes œuvres, dit l’Éternel ; ils reviendront du pays de l’ennemi ».
Que dire aux parents qui ont des enfants vivants ? Nous avons parlé de ceux qui sont morts, mais que dire des vivants ? Parents endeuillés, réservez vos larmes pour vos enfants vivants.
Vous pouvez vous rendre sur la petite tombe de votre enfant. Vous pouvez la regarder et dire : « Mon enfant est sauvé, il repose en paix à jamais, au-delà de toute crainte du mal ». Puis revenez à ceux qui sont assis autour de votre table, et regardez-les, un par un, et dites-vous : « Certains d’entre eux ne sont pas sauvés ». Ils ne connaissent pas Dieu, et certains croissent en stature, devenant des hommes et des femmes. Il est manifeste que leurs cœurs ressemblent au cœur naturel de tout homme, tortueux par-dessus tout, et méchant.
Il y a là pour vous une raison pour pleurer. Je prie que vous ne cessiez jamais de pleurer pour eux jusqu’à ce qu’ils aient cessé de pécher. Ne perdez jamais espoir pour eux jusqu’à ce qu’ils aient cessé de vivre. Ne cessez jamais de prier pour eux jusqu’à ce que vous-mêmes vous ayez cessé de respirer.
Portez-les devant Dieu avec les bras de la foi, et ne vous découragez pas parce qu’ils ne sont pas ce que vous voudriez qu’ils soient. Ils seront pourtant gagnés si vous avez foi en Dieu.
Ne désespérez pas. Tout n’est pas perdu. Celui qui vous a sauvés peut les sauver. Amenez-les un à un devant le trône de grâce du Seigneur, luttez avec Lui et dites-Lui : « Je ne te laisserai point aller, que tu ne m’aies béni ».
Priez, luttez, combattez et vous serez heureux de voir votre maison sauvée. Voici la parole de l’apôtre Paul au geôlier de Philippe : « Crois au Seigneur Jésus-Christ, et tu seras sauvé, toi et ta famille ». Nous en avons eu de nombreuses preuves, car dans ce baptistère de mon église, j’ai baptisé non seulement le père et la mère, mais aussi, dans de nombreux cas, tous les enfants, lorsqu’ils ont été amenés par la grâce à mettre leur confiance en Jésus, les uns après les autres.
Cela devrait être l’aspiration profonde du cœur de chaque parent de voir tous leurs enfants appartenir à Christ et comptés dans l’armée de ceux qui chanteront autour du trône de Dieu. Nous pouvons prier avec foi, car nous avons une promesse à ce sujet. Nous pouvons prier avec foi, car nous avons de nombreux précédents dans l’Écriture : le Dieu d’Abraham est le Dieu d’Isaac et le Dieu de Jacob, mais voici ce que je ferai pour eux, voici encore sur quoi je me laisserai fléchir par la maison d’Israël. Plaidez avec Lui, allez devant Lui avec la prière fervente de la foi et Il vous écoutera certainement.
Un mot pour tous. Un petit enfant disait l’autre jour : les enfants disent souvent des choses étranges - « Papa, je ne peux pas revenir en arrière ». Quand on lui a demandé ce qu’il voulait dire, il a expliqué qu’il était ici, qu’il avait commencé sa vie et qu’il lui était apparu qu’il ne pouvait pas cesser d’être ce qu’il est devenu. Il ne pouvait plus faire marche arrière.
Vous et moi pouvons dire la même chose. Nous sommes là, nous avons grandi, nous ne pouvons pas revenir à l’enfance que nous avons connue. Nous n’avons donc pas d’issue de secours de ce côté-là. Nous ne pouvons donc plus être sauvés en expirant étant nourrissons.
Le bien-aimé John Bunyan regrettait de ne pas être mort quand il était enfant. Plus tard, il avait souhaité provenir de la descendance d’un juif, se disant que les Hébreux seraient sans aucun doute sauvés. Mais Dieu avait fermé cette porte.
Toutes les portes nous sont fermées, à vous et à moi, sauf celle qui est là, juste devant nous, et qui porte le sceau de la croix. Elle a le heurtoir d’or de la prière : choisissons-nous de nous en écarter pour en trouver une autre : la porte des cérémonies, ou du sang, ou de la naissance ? Nous n’entrerons jamais par là. Il n’y a qu’un seul vrai heurtoir ! Je vais sur-le-champ le soulever par la foi. « O Dieu, sois apaisé envers moi, qui suis un pécheur ». Jésus se tient à cette porte. « Entrez », dit-il, et Il nous accueille dans Ses bras, nous lave, nous revêt, nous glorifie, lorsque nous venons à Lui. Suis-je si insensé de ne pas frapper à cette porte !
Et maintenant, pécheur, au nom du Vivant, qui était mort et qui vit aux siècles des siècles, saisis ce heurtoir, soulève-le et fais cette prière : « O Dieu, sois apaisé envers moi, qui suis un pécheur ».
Adapté en abrégé d’un sermon prêché le 29 septembre 1861
Note finale : Dans ce cas les enfants sont entrés dans la terre promise promis après avoir atteint l’âge adulte, mais ce passage soutient de deux manières l’idée du salut des nourrissons. Premièrement, il montre la gracieuse attitude de Dieu envers ceux qui sont trop jeunes pour discerner le bien du mal, et, deuxièmement, il peut être considéré comme un type des tout-petits en relation avec le royaume éternel.
Note additionnelle par l’éditeur
La « Théologie de l’espérance » pour les bébés qui sont morts
De nombreux textes établissent le fait que la base du jugement que Dieu utilisera est la condamnation pour les péchés réels commis dans la vie. De plus, ce jugement tient compte de la lumière reçue par le pécheur.
Romains 2 souligne ces deux principes du jugement divin. Si l’on pose la question : « Qu’en est-il de ceux qui n’ont jamais entendu la loi de Dieu ? » Paul répond que les exigences de la loi sont écrites dans leurs cœurs et activées par leurs consciences (Romains 2:14-15).
Paul établit le droit de Dieu de juger les païens sur le fait qu’ils possèdent une conscience morale écrite dans leurs cœurs. De sorte que le passage confirme que Dieu fait des péchés réels commis par ceux qui ont une conscience morale la base du jugement.
Les choses étant ainsi, il apparaît que les tout-petits, dont la conscience intellectuelle et la responsabilité ne sont pas encore formées ou opérationnelles, ne seront pas jugés par ces critères de jugement, puisqu’ils n’ont fait qu’hériter de la méchanceté et de la culpabilité, communes à tous. S’ils ne sont pas jugés selon les principes que Dieu a révélés, nous devons conclure que leur culpabilité héritée est expiée par Christ (1 Corinthiens 15:22). Ainsi sera accomplie l’Écriture qui dit : « L’âme qui pèche, c’est celle qui mourra. Le fils ne portera pas l’iniquité de son père » (Ézéchiel 18:20).
Quelques contributions remarquables du passé :
L’opinion prédominante des pasteurs calvinistes aux XVIIIe et XIXe siècles se reflète dans la réunion organisée par la prétendue Ecclectic Society à Londres de 1798 à 1814. Le 19 juillet 1802, une session entière fut consacrée à la question : « Que peut-on dire du salut des nourrissons et des païens vertueux ? »
Pasteur Josiah Pratt: « Les pécheurs sont toujours représentés dans l’Écriture comme étant condamnés pour des péchés effectifs (2 Corinthiens 5:10 ; Jean 5:28-29 ; Apocalypse 20:12-13). Dans le dernier passage : ‘les grands et les petits’ fait référence à la position (et non la taille). Les nourrissons n’ont commis aucun péché personnel ».
Pasteur Thomas Scott: « Il n’y a aucun doute sur le salut des enfants des croyants. Nous ne sommes pas sur un terrain aussi solide en ce qui concerne le salut des autres enfants. Mais il y a beaucoup d’indices dans l’Écriture qui militent en faveur de cette idée. « C’est à de tels qu’est le royaume des cieux » a beaucoup de poids. S’ils participent à la punition d’Adam sans avoir de péché réel, pourquoi ne participeraient-ils pas au mérite du second Adam ? Aucun bébé ne sera sauvé s’il n’est pas régénéré, mais les bébés n’offrent aucune opposition à la régénération. Mon idée est donc que tous ceux qui n’ont pas de péché réel participeront à la grâce régénératrice. »
Pasteur John Newton : « Je crois que l’élection de Dieu s’étend à tous les enfants. »