Regard d’un musicien sur la musique chrétienne contemporaine
Neil McGovern
Un regard sur les techniques vocales et les mécanismes musicaux des interprètes de la Musique Chrétienne Contemporaine (MCC) pour évaluer leur caractère approprié pour le culte.
« Je m’amassai de l’argent et de l’or, et les richesses des rois et des provinces. Je me procurai des chanteurs et des chanteuses, et les délices des fils de l'homme, des femmes en grand nombre. Je devins grand, plus grand que tous ceux qui étaient avant moi dans Jérusalem. Et même ma sagesse demeura avec moi… Puis, j’ai considéré tous les ouvrages que mes mains avaient faits, et la peine que j'avais prise à les exécuter ; et voici, tout est vanité et poursuite du vent, et il n’y a aucun avantage à tirer de ce qu'on fait sous le soleil » (Ecclésiaste 2:8-9, 11).
LA MUSIQUE utilisée dans le christianisme contemporain nous présente une triste image du déclin de l’adoration au sein de bon nombre d’églises soi-disant réformées. Dieu doit être adoré avec révérence au moyen d’une louange intelligente. Des formes de musique populaire ont été incorporées en masse et sans discernement dans beaucoup d’églises. Les psaumes et cantiques traditionnels simples ont été mis de côté ou dénaturés par des réarrangements modernes. Cet article examine brièvement quelques raisons pour lesquelles certaines musiques n’ont pas leur place dans un culte digne et rendu au Dieu Tout-Puissant. L’accent sera mis ici sur la musique elle-même (avec des exemples tirés auprès d’artistes qui se sont produits à la Conférence de la Passion de Louie Giglio) plutôt que sur les paroles ou les déclarations et autres pitreries d’artistes pop du monde.
La musique populaire moderne est une industrie qui, de par sa nature, cherche à transformer les artistes musicaux en produits de marketing. La propagation de la musique des chanteurs solistes, en particulier, est obtenue en établissant une image lucrative et en construisant une identité pour l’artiste, qui est ensuite vendue au plus large public par le biais d’une publicité à outrance et à grande échelle. L’identité d’un chanteur est intimement liée à sa voix, qui est elle-même une construction, dans la mesure où :
« Le vocabulaire des chanteurs professionnels est rempli d’astuces subtiles qui forment un code culturel de sincérité émotionnelle, peut-être le plus évident dans la façon dont tous, des ténors de l’opéra aux chanteuses populaires, laissent la voix se briser, en employant des bruits de respiration, des accrocs et des pépins dans la ligne chantée et le timbre vocal qui indiquent la profondeur de leur émotion, ce que l’on entend chez les chanteurs, de Pavarotti à Alanis Morrisette. Mais ce sont des astuces de chanteurs professionnels et ainsi, de façon paradoxale, les mécanismes même employés pour convaincre l’auditoire de la sincérité du chanteur sont sans doute une forme de tromperie » (Janet K. Halfyard).
Ce genre de « tromperie » peut être entendu dans les enregistrements au micro de proximité des artistes de la Passion tels que Kristian Stanfill, dont le matériel harmonique et rythmique très limité crée également un effet hypnotique dans son développement quasi-statique. La description officielle d’un récent album de Christy Nockels indique que :
« La production met l’accent sur l’incroyable voix de Christy. Reconnue dans l’industrie musicale comme la « chanteuse des chanteuses », elle a un don pour imprégner chaque texte d’une authenticité et d’une intégrité émotionnelle qui résonnent fort chez l’auditeur » (Site web de la Passion)
Notez que les paroles sont décrites comme n’ayant pas d’authenticité et d’intégrité mais étant imprégnées de celles-ci. Une écoute rapide révèle des voix qui respirent bruyamment, des voix forcées, les suffixes « ooh » et « uh » étant souvent ajoutés aux paroles. Une forte dose de mélismes est parfois employée. Certains mots tels que « Alléluia » deviennent totalement cassés et fragmentés. Presque toutes les chansons plus lentes ont une construction prévisible en chœurs exaltant comme un hymne avec un accompagnement complet.
Il n’y a aucun doute que Nockels est une chanteuse très capable, avec une voix puissante. Mais son style est si soliste (destiné à un seul exécutant) qu’il est en totale contradiction avec les exigences d’un culte d’assemblée. Dans cette musique, tout sens collectif de se rassembler comme un seul peuple pour s’adresser au Dieu Tout-Puissant est botté en touche. Avec ce modèle, lorsque les instrumentistes cessent de jouer pour passer à la section a cappella obligatoire, tout le monde « adore » dans ce style très subjectif et personnel pendant tout le temps. Le style vocal entraîne les gens à chanter à leur façon, en tant qu’individus, plutôt qu’avec le peuple de Dieu.
La musique du David Crowder Band, groupe aujourd’hui dissout, utilisait aussi la technique vocale intime du micro rapproché, également employée pour la guitare. Il arrive souvent qu’une guitare acoustique soit jouée sur un enregistrement brut, au point d’entendre le bruit caractéristique des doigts qui glissent sur le manche (appelé « bruit de manche »). Cela renforce l’intimité du chant en mettant l’instrument au centre, de sorte que lorsque les chants atteignent leur point culminant de triple guitare frénétique, les sens ont été adoucis et attirés vers l’intérieur, de sorte que l’impact est d’autant plus puissant. C’est comme si l’on vous chuchote des paroles pendant soixante secondes et ensuite on vous crie à l’oreille. La théâtralité de cette technique est en totale contradiction avec un culte digne et sincère.
Shane et Shane utilisent ces techniques dans leur chant « Though You Slay Me », dans lequel ils mélangent des échantillons audio d’un sermon de John Piper avec un bruit de grosse caisse très viscéral et un micro rapproché. La capacité limitée des guitaristes est évidente dans leur utilisation de formes d’accords simplistes et d’un capo, qui semble être la lingua franca pour les guitaristes de la CCM.
Sans doute ce type de simplicité folklorique sera-t-il défendu avec les arguments qu’elle a un large attrait et d’une grande accessibilité, mais en réalité, il semble que ce soit un voile sur l’absence d’un véritable contenu spirituel dans les paroles. Elle fait appel au plus petit dénominateur commun, dont la plupart des auditeurs ont subi toute leur vie un lavage de cerveau par la musique pop du monde séculier. Chris Tomlin joue presque exactement de la même manière, se réjouissant de sa médiocrité derrière une façade d’humilité.
Les églises locales tentent souvent d’imiter les artistes de la MCC avec un petit groupe dans une petite assemblée, sans aucun des outils technologiques dont disposent leurs héros musicaux. Le résultat est généralement extrêmement embarrassant pour les membres de l’église et rebutant pour les non-croyants. Les fidèles réformés apprécient certainement la simplicité dans leur culte, mais ils ne considèrent pas leurs musiciens comme des superstars et ne prétendent pas que leurs compositions sont des œuvres d’art significatives. Il convient également de considérer que même les artistes les plus compétents de la MCC et leurs œuvres sont généralement considérés avec un mépris total par les artistes séculiers, peut-être en partie à cause de leur message, mais plus souvent à cause de leur piètre qualité musicale.
Frank Breeden, président de la Gospel Music Association, défend l’utilisation des styles de musique populaire en affirmant que « le si bémol chrétien n’existe pas vraiment. La musique en elle-même est un véhicule amoral ». Cela peut sembler plausible en apparence, mais personne ne se contente de jouer un si bémol et de prétendre bêtement que chaque note est bonne ou mauvaise. C’est un faux argument ! Sans avoir recours à de vagues notions sur le pouvoir de la musique, il est facile de démontrer que la musique est plus que la somme de ses parties. Il est tout à fait évident pour tout auditeur que notre si bémol joué avec un ré et un fa a une fonction différente de celle qu’il a lorsqu’il est joué avec un mi bémol et un sol bémol. Un accord joué fort et staccato par une fanfare a un impact différent s’il était joué pianissimo et sostenuto par un quatuor à cordes.
L’ambiance créée par la musique
Pour ce qui concerne l’affirmation selon laquelle « la musique est en soi un véhicule amoral », et sans régurgiter Marshall McLuhan, nous devrions peut-être, en réponse, nous demander si la musique peut paraître en colère. La plupart des gens répondront par l’affirmative. Est-il donc possible qu’en s’identifiant étroitement et souvent à de la musique « en colère », les gens puissent eux-mêmes se mettre en colère, et même de façon pécheresse ? Si tel était le cas, cette musique devrait-elle être utilisée pour adorer le Dieu saint et miséricordieux ? Le même test pourrait être appliqué à d’autres sentiments et idées véhiculés par la musique. Si nous considérons que la musique contient en elle-même des informations, nous pouvons trouver des styles qui sont sensuels, violents, hypnotiques, etc. Si les informations contenues dans la musique peuvent être évaluées moralement, alors peut-être que la musique n’est pas un véhicule amoral.
Gardons cela à l’esprit et considérons maintenant le rappeur chrétien Lecrae et le hip-hop en général. Le rappeur a cartonné et est très populaire dans les cercles néo-calvinistes. Il a la personnalité, la voix, le look, le style que la musique populaire par nature valorise tant. La musique rap est profondément centrée sur les individus, et Lecrae ne manque pas de se montrer à la hauteur en tant qu’artiste. Sur scène, ses pitreries sont ouvertement machistes et agressives : il enlève ses vêtements, saute et se pavane avec une posture physique qu’on ne peut distinguer de celle de tout rappeur mondain arrogant. Son style vocal est ponctué de grognements, de cris et de hurlements, ce qui lui permet d’exprimer le genre de machisme que tout rappeur masculin sur la chaîne de télévision musicale par satellite (MTV) utiliserait.
La voix de Lecrae s’appuie fortement sur son timbre, son inflexion et son énergie, qui sont tous amplifiés par des effets de compression, de vocodeur et d’autoréglage. La musique elle-même utilise évidemment les types habituels de boucles de batterie « up-tempo », qui sont la salle des machines de chaque chanson. Même dans un certain nombre de chansons à tempo plus lent, les rythmes réels utilisés par les caisses sont basés sur des motifs des 16 et 32ème notes, créant une sensation de double temps très énergique. C’est une musique de contrastes extrêmes : les battements disparaissent pour laisser place à de petites sections puis reviennent avec une force tonitruante. Les mains étant levées, les moments a capella servent à nouveau de paravent aux chants énergiques qui suivent inévitablement. Le matériel harmonique est principalement en mineur, ce qui crée un pathos accru, une force émotionnelle et souvent un sentiment de menace. Certains des longs refrains ont très peu de contenu musical ou lyrique, genre : « Ne t’arrête pas, lève tes mains ». Il peut y avoir une certaine substance lyrique, mais la musique prend surtout son élan à partir de sa poussée émotionnelle.
Inappropriée pour l’adoration corporative
Bien que les personnes puissent chanter en même temps que le rap s’ils en connaissent les paroles, la nature de cette mélodie est qu’elle repose davantage sur des inflexions de voix individuelles et elle est donc particulièrement inadaptée au culte collectif. L’éclairage est fortement synchronisé avec la musique, ce qui ajoute des ponctuations structurelles à la forme. Des lasers puissants, des stroboscopes et une pléthore d’autres lumières illuminent l’ensemble du spectacle. Tout cela ajoute à l’effet sensuel irrésistible de la musique. Pourtant, Lecrae nous assure : « Je n’ai pas besoin de mon nom dans les lumières ».
Certains néo-calvinistes défendent d’excellents principes pour évaluer quelle musique est appropriée dans le culte, mais ils occultent encore la question du genre et des styles. En suivant ces principes, il est pourtant possible d’éviter les formes de musique du monde. Cependant, beaucoup ne le feront pas et auront plutôt le sentiment d’avoir justifié le fait qu’il est bon de continuer à se servir de cette musique. Peu d’entre eux semblent avoir l’audace de prendre clairement position contre la musique pop et d’appliquer l’enseignement clair des Écritures :
« C’est pourquoi, sortez du milieu d’eux, et séparez-vous, dit le Seigneur ; ne touchez pas à ce qui est impur, et je vous accueillerai » (2 Corinthiens 6:17)
« Adultères que vous êtes ! ne savez-vous pas que l’amour du monde est inimitié contre Dieu ? Celui donc qui veut être ami du monde se rend ennemi de Dieu » (Jacques 4:4)
« Ne vous conformez pas au siècle présent, mais soyez transformés par le renouvellement de l’intelligence, afin que vous discerniez quelle est la volonté de Dieu, ce qui est bon, agréable et parfait » (Romains 12:2)
Le sens de ces versets bien connus de l’Écriture est clair. Ils nous enseignent le principe de la séparation du monde et le devoir de nous éloigner de sa culture. Essayer d’enseigner le contraire de l’instruction claire et nette de la Bible à ce sujet est spirituellement dangereux.